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Poursuivie pour avoir situé son polar au Marché Saint-Pierre

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Poursuivie pour avoir situé son polar au Marché Saint-Pierre Empty Poursuivie pour avoir situé son polar au Marché Saint-Pierre

Message par Dago Sam 6 Mar - 17:17

Jusque-là, aucun cinéaste ou romancier n'avait été attaqué parce qu'il faisait sauter son héros du haut du pont de la Tournelle avant d'assassiner la moitié de ses personnages à la gare de l'Est.

Dans le « Da Vinci Code », le conservateur du musée du Louvre se fait assassiner. Le film de Jean Mitry, « Enigme aux Folies Bergères », raconte des meurtres mystérieux dans la salle de spectacle du même nom et Gaston Leroux transforme l'Opéra Garnier en « maison hantée » dans son roman « Le Fantôme de l'Opéra ». Le point commun de ces trois œuvres et d'une centaine d'autres se déroulant dans des lieux réels : aucune n'a été attaquée en diffamation.

Lalie Walker, auteure de roman noir, elle, se voit poursuivie pour diffamation et injure pour avoir situé l'intrigue de son dernier polar au Marché Saint-Pierre, dans le XVIIIe arrondissement de Paris.

Couverture du polar Au malheur des dames de Lalie Walker« Aux Malheurs des dames », publié à l'automne 2009, débute avec la disparition de Violette, une caissière du Marché Saint-Pierre. Une curieuse odeur de brûlé, une autre disparition, des poupées vaudous clouées aux portes du magasin, le comportement étrange de ses directeurs… Telle est l'étrange atmosphère qui règne dans ce vieux marché parisien.

Atmosphère imaginée par Lalie Walker qui prend soin, en ouverture de son roman, d'avertir :

« Si le Marché Saint-Pierre existe bel et bien, si certains éléments proviennent de flâneries et de rencontres sur le terrain, tout ici est fiction, car seul l'espace de la fiction pouvait me permettre d'aller fouiller dans certains recoins de la psyché humaine.

C'est donc ma vision du Marché Saint-Pierre, lieu hautement réputé et visité, que je livre ici, et qui me sert d'unité de temps et de lieu romanesque. »
« C'est de la diffamation ! »

Village d'Orsel, gestionnaire du Marché Saint-Pierre (propriété de la famille Dreyfus), ne l'entend pas ainsi. Les propriétaires de la marque « Marché Saint-Pierre » ont fait citer à comparaître le fondateur des éditions Parigramme, François Besse, ainsi que Lalie Walker. Ils réclament l'arrêt de toute distribution de l'ouvrage, son retrait de chaque point de vente, et deux millions d'euros de dommages et intérêts.

Contacté par Rue89, Robert Gabbay, directeur général de la société, s'est montré très agacé :

« Ce livre cite notre marque ! C'est une marque déposée ! Ce site est protégé ! On ne touche pas et on ne parle pas du Marché Saint-Pierre sans l'autorisation du propriétaire et du dirigeant. C'est n'importe quoi, c'est de la diffamation. »

Une vengeance ?

La longue lecture de la citation directe devant le tribunal correctionnel nous apprend que la direction du Marché Saint-Pierre n'attaque pas uniquement l'auteure et son éditeur mais également deux anciens salariés de l'entreprise, Philippe et Hélène Madgelonnette.

Licencié en 2006, ce couple a manifesté quotidiennement devant le magasin pour protester contre son licenciement durant trois ans. Selon l'assignation, il ne fait pas de doute aux yeux de la direction que :

« L'auteur est manifestement téléguidé par Monsieur et Madame Magdelonnette, animés d'un sentiment de haine et de vengeance à l'endroit de Messieurs Elbaz et Gabbay et du désir de voir péricliter le magasin. »

Lalie Walker (DR)« Je ne les ai jamais rencontrés, je ne connaissais même pas leur histoire », répond Lalie Walker. Son éditeur, François Besse, confirme :

« Ce rapprochement est abusif. Ni l'auteur, ni moi ne les connaissons. Nous ne les avons jamais vus. Et puis il ne s'agissait pas de l'intention du livre. Ce n'est pas une enquête journalistique sur la situation sociale du Marché.

C'est un polar, une fiction ! Un tel mécanisme, écrire un livre téléguidé par d'anciens salariés pour se venger, supposerait une mécanique incroyable ! »

Une fiction peut-elle être injurieuse ?

A cette accusation s'ajoute celle d'avoir écrit un livre à charge contre le magasin de tissus à cinq étages et ses patrons. S'appuyant sur des passages du roman totalement fictifs, Village d'Orsel accuse :

« Cela constitue une diffamation comportant un aspect aggravant, consistant à atteindre l'honneur et la considération des requérants et dont l'objectif est de nouveau de chercher à faire fuir la clientèle. »

A titre d'exemple, cet extrait est considéré comme injurieux :

« Des bruits couraient chaque jour avec un peu plus de frénésie et de virulence, à propos d'étranges poupées en tissu clouées aux portes et contre les bois des étagères. Les frères Michel auraient reçu des lettres anonymes et des menaces de mort. Violette Margelin aurait été kidnappée pour leur faire cracher leurs supposés millions… »

Plus loin, lorsque Lalie Walker faire dire à l'un de ses personnages que les frères Michel, propriétaires fictif du magasins, seraient les kidnappeurs, les propriétaires réels s'offusquent :

« Ces faits d'enlèvements de femmes imputés aux dirigeants de la société Marché Saint-Pierre sont des propos diffamatoires, ruinant à l'honneur et la considération des requérants. »

Il serait trop long de citer tous les extraits reprochés à l'auteur, tant ils sont nombreux.
Pas de confusion possible

Guillaume Sauvage, avocat spécialisé en droit de la communication, se dit très surpris :

« Le livre a été publié chez Parigramme, dans la collection Noir 7.5. Comme le nom de la collection l'indique, il s'agit bien évidemment d'un thriller fictionnel. Un avertissement le rappelle au début de l'ouvrage.

Il peut y avoir diffamation, y compris dans la fiction mais le critère, c'est quand il peut y avoir confusion entre le réel et la fiction. Quand on lit le livre, il ne peut pas y avoir de confusion possible. Aucun nom de personne réel n'est donné. Les dirigeants du magasin sont frères, ce qui n'est pas le cas dans la réalité.

Deux millions d'euros, c'est démesuré. Ça ne correspond ni à ce qu'on réclame, ni à ce qu'on reçoit dans des affaires de diffamation. »

Les références à des lieux dans des fictions doivent-elles être soumises à l'approbation de leur propriétaire ? Pour pouvoir citer le Marché Saint-Pierre, faut-il n'en dire que « du bien » comme nous l'a suggéré un des directeurs ?

Lalie Walker se dit sonnée :

« Je suis allée au Marché Saint-Pierre quelques fois mais j'ai écrit un roman. C'est entièrement fictif. J'ai installé mon imaginaire au Marché Saint-Pierre et à Montmartre. C'est comme si on reprochait à Léo Malet les histoires de Nestor Burma à Paris.

Je ne comprends vraiment pas ce que je viens faire là-dedans, à une telle hauteur financière. Cette histoire menace les auteurs, on va avoir du mal à faire notre boulot si on nous attaque pour nos fictions. »

Rue89 a lu le roman. Aucun rapport avec la réalité, même implicite, ne saute aux yeux. Sauf le lieu. François Besse (le fondateur de Parigramme) et Lalie Walker doivent se présenter devant les juges de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris le 9 avril prochain.



Source: Zineb Dryef | Rue89 | 04/03/2010 |
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